Ce samedi 20 mars fut célébré le 40ème anniversaire de la naissance de l’Organisation internationale de la Francophonie, organisme qui fédère la plupart des pays francophones de la planète. C’est l’occasion de jeter un regard lucide sur l’un des atouts importants de notre pays - l’un de ceux qui fondent sa fameuse « exception », trop souvent méprisée par les élites -, atout hélas trop négligé par nos gouvernants.
Le discours prononcé par le président de la République autour de cet événement, malgré des accents volontaristes, montre une certaine résignation, en tout cas quelques incohérences sérieuses, qu’il conviendrait de corriger. Il a été question de ne pas entrer en rivalité avec l’anglais (le monde étant assez vaste pour les deux langues), tout en défendant avec intransigeance le français au niveau institutionnel, notamment diplomatique.
Ce discours, disons-le tout net, n’est pas à la hauteur des enjeux : d’une part, il ne place pas la « querelle » avec l’anglais au bon niveau, car il est évident que notre langue, en position de faiblesse, doit tenir la dragée haute à sa rivale pour continuer à exister. Un peu comme de Gaulle à Londres se devait, à cause de la faiblesse relative de la France Libre face au gouvernement britannique, ne rien lâcher face à Churchill, avec qui les échanges orageux sont restés fameux. Faire vivre la flamme de la francophonie, il faut le rappeler, est d’abord affaire de volonté politique et il faut en conséquence que cette volonté soit au plus haut.
D’autre part, il est étrange de voir le chef de l’Etat tancer nos diplomates coupables de s’exprimer en anglais. En réalité, le mal est bien plus profond : combien de ministères à Paris produisent textes et notes en anglais à l’attention des eurodéputés français qui les utilisent dans l’enceinte du Parlement européen ? Mesure-t-on l’ampleur du reflux du français dans les instances européennes depuis 15 ans, un reflux qui a toutes les allures d’une déroute alors que notre langue est censée, de par les traités européens eux-mêmes, constituer une langue de travail de plein exercice ? Ainsi en va-t-il aussi du français scientifique, des brevets, du langage publicitaire, de la langue de travail dans les entreprises internationales basées en France, etc.
On constate de fait que les actes, au-delà des discours, ne sont pas assez au rendez-vous et doivent être renforcés. Quant aux moyens, leur insuffisance reflète bien souvent le manque de mobilisation réelle des politiques : une chaîne mondiale d’information francophone bien pâlotte, un réseau d’instituts « Victor Hugo » encore en enfance face aux puissants Goethe Instituts, des atermoiements du gouvernement face à l’idée intelligente de l’Ambassadeur Salon de créer une Fondation de la francophonie à Villers-Cotterêts (berceau de la primauté du français sur le territoire national), une participation guère active de la France à l’OIF dont on célèbre pourtant en grande pompe l’anniversaire…
La vitalité du français est l’assurance que notre façon de penser et de nous représenter le monde – unique par sa précision et sa capacité à s’inscrire dans une approche universelle - marque encore des points. C’est une cause qui dépasse de très loin le seul intérêt de la France, car aux côtés de la francophonie prospère la défense de la diversité linguistique et culturelle, chère à de nombreuses nations.
Le combat pour la francophonie, combat nécessaire, est par excellence l’un de ceux où il nous faut agir nous-mêmes, avec nos amis des cinq continents. Il faut le relancer, le remettre en perspective, l’incarner davantage dans des projets concrets (techniques, industriels, culturels, éducatifs,…), l’engager pleinement dans la révolution numérique, et lui donner les moyens qu’il mérite.
On entend souvent dire, parfois à mauvais escient pour justifier des choix de résignation, que « le monde n’attendra pas la France pour changer. » Ce propos s’applique par excellence à la francophonie, qu’on ne peut laisser plus longtemps prendre une guerre ou deux de retard. Alors, vive la francophonie !
NDA